Cette chevelure blonde vénitienne dit déjà beaucoup, comme si la nature avait voulu annoncer la couleur dès sa naissance. Ardent et flamboyant, sera Nicolas Pourcheresse ! Le chef, baigné dans l’énergie bouillonnante de l’auberge parentale, n’a jamais imaginé faire autre chose que la cuisine.
Ses parents tenaient La Chaumière à Dole, sa grand-mère avait un bar sur le champ de foire, ses oncles René et Simon tenaient un établissement à Paris et sa tante gérait l’hôtel-bar Le Glacier, à Lons. Malgré les réticences d’une mère consciente que « ce métier nous éloigne de nos familles et de nos vies », Nicolas Pourcheresse a emprunté le même chemin, l’épice en plus. Car l’homme de 44 ans cuisine comme il surfe : en totale liberté.
Il faut caresser le Jura dans le sens du poil…
Formé aux côtés d’Alain Passard, le Jurassien aime quand la vie décoiffe, quand elle est authentique et brute, en mouvement. À l’Auberge de Chavannes à Courlans en 2003, il pose sa patte fiévreuse et découvreuse sur cet établissement prestigieux et lance tous azimuts un projet « cohérent en tout et partout » : « L’hôtel, le restaurant, les événements que nous organisions, la communication, tout était en adéquation ». Son enthousiasme est porté par une déferlante excitante et magnétique : l’émergence d’une nouvelle génération de cuisiniers, dont il fait partie. « David Zuddas à Dijon, Benoît Bernard à Lille, Romuald Fassenet à Dole, Olivier Bellin en Bretagne, nous étions tous en train de créer quelque chose de nouveau. » En 2005, il décroche sa toute première étoile, faisant de lui le plus jeune chef étoilé de France.
Pendant trois ans, de 2003 à 2006, l’Auberge de Chavannes agit à contre-courant. Mais Nicolas Pourcheresse va trop vite, trop loin pour le Jura et l’aventure devient économiquement difficile. « Le Jura est plein de ressources, à caresser dans le sens du poil… » Et l’homme aime surprendre avec ce qui ébouriffe. Il s’échappe à Lille, sa ville de cœur, et se laisse gagner par la chaleur humaine du Nord, l’effervescence d’une ville entreprenante et par la mer, lui qui est fou de surf et de canoë-kayak, passion qu’il a transmise à son fils, Sacha, 18 ans, toujours jurassien.
Voir comment je volais
À Lille, il entre chez Méert, une prestigieuse pâtisserie nordiste, en 2008, puis taille la route à l’autre bout du monde… Sri Lanka, Amérique du Sud, Madagascar, Indonésie, Maroc, États-Unis, il voyage pendant deux ans, entre 2011 et 2013. « J’ai eu envie de me jeter dans le vide et de voir comment je volais. » Un périple culinaire ? « Non, l’idée, c’était justement de couper avec la restauration. Je suis tout de même allé sur la côte vanille à Madagascar, mais j’ai aussi vu des peuples en sous-nutrition, avec lesquels je n’ai pas parlé cuisine, évidemment. »
« Changé », porteur d’un autre regard sur la vie, moins tête brûlée, il revient dans la capitale des Hauts-de-France avec une existence et des choix plus simples, oubliant « l’aspect matérialiste et les projets trop onéreux ».
C’est important de préserver la simplicité de l’acte de cuisiner et de manger.
Auparavant « très attaché à l’image et à l’apparence », le beau gosse rebelle jette son costume par-dessus bord. Moins pressé, plus posé, ni plus sage ni moins fougueux, le gentil démon Pourcheresse souffle sur les braises d’ambitieux projets. En 2013, il ouvre Le Saint-Jo, un steak-house qui récolte Trois toques au Gault & Millau, et participe à l’émergence du collectif « Mange Lille ! » pour faire revivre la gastronomie lilloise.
Après son passage « super sympa ! » dans l’émission télé Top Chef, il devient le chef de « La Table », restaurant du tout nouvel hôtel Clarance à Lille, au printemps 2015. Sans crier gare, La Table décroche une étoile en février 2016, que Nicolas Pourcheresse attrape aujourd’hui par le petit bout de la branche : « On se sent observé, redevable d’un référencement que le client s’approprie. C’est important de préserver la simplicité de l’acte de cuisiner et de manger. Je donne le meilleur de moi-même à chaque plat, mais je ne veux pas que mon client devienne mon juge et mon bourreau. »
Avec son tempérament de pur produit brut, le chef Pourcheresse vient de lancer un nouveau restaurant plus personnel, Le Vagabond, qu’il mène de front avec son travail à La Table.
Chef étoilé le midi, chef nomade un peu sioux le soir, voilà qui lui va bien. Car Nicolas Pourcheresse aime tout autant l’énergie brute de la nature que les jolies chaussures…
Photos : Saul Abraham
- Retrouvez Nicolas Pourcheresse dans le magazine Numéro 39 :