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Perrine Campanini, amazone et femme d’affaires

La petite brunette de Martigna passait son enfance à cheval. Aujourd’hui, Perrine Campanini est championne internationale de courses équestres d’endurance sous les couleurs de l’Italie et propriétaire d’un haras d’une trentaine de chevaux de course.

 

Les cheveux noirs tombent en frange sur le front, dégringolent sur les épaules. Tout de noir vêtue, le regard italien, sombre, perçant. Long nez droit, bouche fine, visage étroit à la Modigliani, menton volontaire. Mi-parcours entre le top-modèle et la danseuse. Pas vraiment l’idée que l’on peut se faire de la cavalière. Comment dire, trop aérienne…

Et puis, il y a le sourire, généreux et le rire haut perché, sans faux-semblants. Martigna, son petit village natal perché entre vallées de la Bienne et de l’Ain – il s’offre dès lors le toupet d’embrasser un panorama sur le Crêt de la Neige et le Colomby de Gex –, semble loin tout à coup. Perrine Campanini reste pourtant la petite fille du pays. En même temps, elle est si lointaine… Peut-être la distance de ceux qui ont bourlingué et s’étonnent presque de voir leur terre natale si belle, si enchanteresse.

« Ici, c’est un endroit unique. Depuis chez moi je contemple un paysage de fou et je prends un bol d’air chaque fois que je reviens. C’est un endroit entre la terre et l’eau, entre les montagnes où je grimpe parce que j’aime voir loin, et le lac de Vouglans qui m’apaise. Je ne pourrais pas vivre sans revenir régulièrement. Mais ce cadre oblige à rester humble et rester humble, c’est ce qui permet d’arriver au plus haut niveau. » Alors, parlons de ce haut niveau… Le nom Campanini est intimement lié aux courses internationales d’endurance à cheval. Rien à voir avec le tiercé, le trot ou le galop, ou même le saut d’obstacles. L’endurance est l’une des sept disciplines équestres mondiales agréées par la fédération internationale. C’est un marathon, une course de fond pratiquée à cheval en pleine nature sur une longue distance, des épreuves étalonnées entre 20 et 160 km à faire par étapes en un jour sur des terrains variés, une compétition chronométrée à réaliser le plus rapidement possible tout en conservant une monture en parfait état. Des contrôles vétérinaires obligatoires sont effectués tout au long du parcours et, si le cheval ne paraît pas en bonne santé, il est disqualifié.

Les galops d’essai

L’effort de l’animal doit donc être maîtrisé. On touche ici à l’ADN de la Jurassienne qui n’est pas simplement une cavalière, mais aussi – et peut être avant tout – une spécialiste équine : « Chaque cheval est un athlète de haut niveau, mais il a son caractère, ses faiblesses. Il faut le sentir, faire corps avec lui, le comprendre. Voilà pourquoi, depuis que je monte à cheval, j’ai accumulé les expériences et les formations dans tous les domaines liés au cheval… Et je continue. »

Parlons un peu palmarès… Mais avant, donnons la parole à Mathilde, de six ans la cadette de Perrine, elle aussi cavalière émérite, sans avoir voulu revêtir un dossard : « Ma sœur est une battante, c’est peu de dire qu’elle a du caractère, mais, si elle est exigeante, ce ne sera jamais au détriment du cheval, elle est trop respectueuse pour cela. Elle veut sans cesse apprendre pour tout maîtriser et ses efforts payent. »

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Perrine Campanini – Numéro 39

Et c’est vrai. Depuis ses débuts au niveau international, en 2011, Perrine Campanini a constitué toute une collection de trophées parmi lesquels le titre de championne de France des chevaux de quatre ans en 2020, vice-championne d’Europe d’endurance à Bruxelles par équipes, 9e en individuel en 2017, une participation aux Jeux équestres mondiaux en 2018 et des résultats dans d’innombrables compétitions. Pourtant, l’essentiel n’est pas dans cette litanie de succès, mais plutôt dans la lente conversion de la sportive en femme d’affaires. C’est une histoire rocambolesque qui nous ramène au milieu des années cinquante.

Avec sa femme calabraise, son grand-père, Bergamote, atterrit à Saint-Claude pour trouver du travail comme des milliers d’autres Italiens. Une génération plus tard, François Campanini épouse sa mère Catherine Lacroix, conseillère en banque. Puis naissent Perrine et Mathilde. Détail à retenir, les deux filles ont la double nationalité franco-italienne. S’ensuivent les années d’enfance à Martigna où habite la famille. Perrine jongle entre le piano, le judo, le handball et l’équitation qu’elle débute à l’âge de huit ans à la ferme équestre de Massiat (Ain) où elle passe ses premiers galops (échelons) avant de poursuivre chez Marielle Maradan (qui vient de nous quitter) à Écrille, où elle se forme au galop d’obstacles. Elle achève sa formation au centre équestre de Doucier : « Vers dix-huit ans, j’avais toutes les bases… » Tout commence donc vraiment avec Occitania, la jument pur-sang arabe que lui offre la famille pour sa majorité. Elle ira la choisir elle-même dans un haras à Uzès, sur les conseils de son amie Audrey Acquistapace : « C’était un très beau cadeau, la jument coûtait cher. Ensemble, on a fait des stages pour les jeunes à Brazey-en-Plaine (21) avec Jean-Louis Leclerc, ancien manager de l’équipe de France, et j’ai débuté la compétition. C’est elle qui m’a fait connaître dans le milieu de l’endurance. » Mais pas question pour autant de tout miser sur le même cheval… La Jurassienne passe un BTS en gestion touristique : « J’ai toujours su que je voulais être dans les chevaux, sans savoir quand exactement… »

À vingt-deux ans, cap sur Aix-en-Provence (13) à la célèbre écurie JPF, membre de l’équipe de France, où elle décroche un emploi de six mois après avoir pris elle-même le téléphone pour vendre ses mérites : « Jean-Philippe Francès a toujours un coup d’avance, je me suis formée sur les jeunes chevaux. J’ai travaillé la cadence et l’entraînement au galop sur piste. Je suis restée deux ans dans le sud dans une autre écurie d’endurance, des chevaux m’ont été confiés et c’est à cette époque que j’ai attaqué le haut niveau. »

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Perrine Campanini – Numéro 39

Championne et chef d’entreprise

Mais l’idylle nouée sur place prend fin… Retour dans le Jura, travail à l’écurie de Louvarel et bouchées doubles pour se perfectionner en endurance, notamment avec Franck Laousse et Audrey Acquistapace, entraîneurs de chevaux des Émirats arabes unis. Et, en 2016, c’est le grand saut : elle se met à son compte et lance l’écurie Perrine Campanini : « Mes deux juments, Occitania Larzac et Sati de l’Étoile, qui ont eu des prix à l’international, ont constitué ma base de poulinières. J’entraîne, élève et valorise les jeunes chevaux de quatre ans et plus que je commercialise, j’en ai une trentaine aujourd’hui. »

2016, une année particulière puisque la Thaïlande lui demande de devenir l’entraîneuse de son équipe nationale. Un job qu’elle exerce trois ans avec de nombreux succès. Mais ce n’est pas tout : la petite Franco-italienne décide, en 2017, de changer de licence et de concourir sous les couleurs de la fédération transalpine. Elle passe les présélections et décroche des podiums, notamment avec Silmar et sa jument Véga du Clos qu’elle a trouvée… sur le Bon Coin [lire par ailleurs] : « J’ai préféré courir en professionnel pour l’Italie et garder la France pour les épreuves amateur avec des jeunes chevaux. Je trouve l’approche italienne plus conforme à ma vision de la compétition. »

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Perrine Campanini – Numéro 39

Depuis, les concours se sont enchaînés avec des surprises douteuses comme aux Jeux Équestres Mondiaux de 2018 à Tryon, en Caroline du Nord, où elle a préféré abandonner tant l’organisation était défaillante. C’était avant que l’épreuve ne soit finalement annulée. Mais aussi des bonnes comme l’invitation à la plus grande course des Émirats arabes unis : la Sheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum Endurance Cup, à Dubaï, en janvier 2018.

Le pari des courses de plat

Et maintenant ? Perrine Campanini a un objectif : participer à un championnat du monde ainsi qu’aux plus grosses compétitions étrangères et, en parallèle, améliorer la qualité de l’élevage en ayant une base de poulinières ayant performé parmi l’élite mondiale.

Tout est dit ou presque : élever et aguerrir les chevaux des autres, faire naître, entraîner et vendre ses propres animaux. Et parcourir le monde. Faire des rencontres. Mettre ses champions dans les avions. Veiller sur eux. Prospérer… Le viatique d’une chef d’entreprise jeune, moderne, entêtée que les fractures et les chutes n’arrêtent pas, qui n’a de cesse d’apprendre encore et encore, mais qui garde la tête sur les épaules : « La Covid m’a permis de réfléchir, les compétitions se sont arrêtées d’un coup, l’argent n’est plus rentré. J’ai refait du marketing pour passer le cap. Maintenant, il faut rebondir. Avec mon compagnon, on s’est demandé ce qu’on allait faire si la crise sanitaire persistait et on a décidé de reprendre un haras de chevaux de course de plat. Ceux qui ne seront pas bons en plat, on les fera courir en endurance. »

Aujourd’hui, l’entreprise Perrine Campanini a un pied dans le Sud-Ouest et un autre à Martigna. La fille du pays aurait bien aimé trouver une vingtaine d’hectares au milieu de ses montagnes pour y installer ses chevaux, mais impossible. Du coup, elle a porté son regard ailleurs. Pour l’instant, elle s’interroge plutôt sur elle : « Ces derniers temps, j’ai beaucoup pensé à ma carrière. À terme, je veux continuer le sport, mais aussi superviser et coacher les jeunes cavaliers prometteurs. Mais j’ai aussi une vie privée et le temps passe. Il faut que je m’affole. Penser à avoir des enfants… » 

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