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Xavier Panseri, le Jura pour carnet de route

Copilote de Bryan Bouffier, Krzysztof Hołowczyc, Guillaume de Mévius ou encore Adam Małysz, le Jurassien a brillé sur de nombreuses courses, du Rallye Monte-Carlo (qu’il a gagné en 2011) au Dakar. L’homme qui vit aujourd’huien Pologne n’a rien oublié de sa terre natale dont il garde en lui les valeurs.

Il n’a jamais levé les bras sur un podium à titre personnel. Pourtant, il a été de nombreuses victoires, dont l’une sur le mythique Rallye Monte-Carlo en 2011. Depuis plus de vingt ans, Xavier Panseri s’installe dans le siège de droite des voitures les plus rapides du monde, là où les décisions se prennent à la seconde près, là où le calme vaut de l’or. Professionnel depuis 2003, le natif du Jura est devenu l’un des copilotes les plus respectés du milieu. Outre son succès avec Bryan Bouffier, son palmarès compte trois titres de champion de Pologne – 2007, 2008 et 2009 avec Peugeot 207 S2000 et Mitsubishi Evo IX -, ou encore une troisième place sur le Paris-Dakar en 2015, avec le Polonais Krzysztof Hołowczyc sur Mini. Il a partagé l’habitacle avec des dizaines de champions, dont Adam Małysz, star du saut à ski. Pourtant, l’homme reste discret. Il n’en est pas moins incontournable. À cinquante-quatre ans, il vit entre Varsovie et les bivouacs du monde entier. Et chaque année, dès qu’il le peut, il revient dans le Jura. Là où tout a commencé.

Xavier Panseri voit le jour à Lons-le-Saunier en mai 1971, mais c’est dans le Haut-Doubs qu’il grandit, à Boujailles, à quelques kilomètres de la frontière entre les deux départements de Franche-Comté. Dès lors, il se décrit comme un « Jurassien d’adoption », profondément marqué par la culture de cette montagne : « Ici, on ne parle pas beaucoup. Mais on fait. Et on fait bien. » C’est d’ailleurs du côté de Mièges, à côté de Nozeroy, qu’il passe la plupart de ses vacances, ses mercredis et jours d’école buissonnière. Là-bas, dans une maison où cohabitent sa grand-mère et son oncle, il apprend le goût du travail manuel. Son oncle est mécanicien agricole. Il répare des tracteurs avec autant de soin que s’il avait entre les mains une Formule 1. Et dans cette atmosphère de cambouis et de discipline artisanale, le garçon observe. Il aide aussi. « Je passais des journées à bricoler avec lui. J’ai très vite aimé la logique des machines », se souvient-il. C’est à cette époque que le garçon découvre le monde du rallye (c’est-à-dire des courses contre la montre, disputée sur routes fermées). Le tonton est impliqué dans l’organisation de l’ASA Jura, l’Association Sportive Automobile locale. Forcément, le gamin se prend à rêver. Voir passer les voitures à toute vitesse, entendre le rugissement des moteurs, apercevoir les pilotes, stars locales qui semblent inaccessibles, allume une flamme en lui. « Mon rêve, c’était juste de devenir mécanicien dans le sport auto, précise-t-il. J’ai compris très tôt que je voulais faire partie de ce monde. Pas forcément en courant, mais en étant utile. »

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Guillaume De Mévius (BEL), Xavier Panseri (FRA) – Kin Marcin/Red Bull Content Pool

Xavier Panseri se dirige tout naturellement vers une formation en mécanique. Le voilà élève au lycée professionnel Henri Fertet de Gray, en Haute-Saône. Il poursuit son périple au lycée polyvalent Germaine Tillion à Montbéliard, dans le Doubs. Parallèlement, il commence par préparer des véhicules pour des amis, entrant dans le sport auto par la porte de l’atelier, pas celle du circuit. Puis un jour, un pilote lui propose de monter sur le siège à côté de lui, faute de pouvoir le payer comme mécano. Il a dix-huit ans. Il ne le sait pas encore, mais sa vie vient de basculer. « C’était un peu par hasard, note-t-il. Je n’étais pas formé. Mais ça m’a plu tout de suite. J’aimais la précision et l’analyse. »

Le jeune homme découvre alors le métier dans toute sa complexité : il faut donner la cadence, lire la route, dompter la vitesse, sans jamais perdre la tête. Être copilote, ce n’est pas simplement réciter des notes préalablement réunies sur le carnet de route. C’est également entrer dans la tête de son coéquipier, anticiper ses doutes, canaliser ses excès. C’est un sport mental. « J’ai roulé avec des gars adorables et quelques têtes de mule. Il faut s’adapter, toujours », avance le professionnel. Le Lédonien prend sa mission très au sérieux. Il apprend vite. Il structure ses notes, observe ses aînés. Il gravit les échelons à la force du poignet. Semi-pro en 1996, il devient professionnel en 2003. Depuis, il vit du sport automobile où il va s’illustrer. En 2010, sacré champion de France des copilotes, il s’impose au Critérium des Cévennes et au Rallye du Limousin.

Victorieux à monte-carlo

Reconnu et apprécié pour son calme, sa rigueur, son adaptabilité, sa capacité à encaisser la pression, il enchaîne ensuite les engagements, grimpe les échelons, sans jamais chercher la lumière. « Un bon copilote, c’est un métronome. Mais c’est aussi un miroir. Tu dois adapter ton intonation, ton énergie, ton silence », détaille l’homme de cinquante-quatre ans. En plus de vingt ans de carrière, il a travaillé avec soixante-quatre pilotes. Une rareté dans le métier. Il s’adapte à chacun, sans jamais imposer sa manière. « Certains ont besoin que tu parles beaucoup. D’autres, presque pas du tout. Tu deviens un élément de stabilité dans l’auto. Le copilote est là pour absorber les tensions. »

Bryan Bouffier, qui a partagé quinze ans de collaboration avec lui et de nombreux succès – dont le Rallye Monte-Carlo en 2011, les championnats de Pologne en 2007, 2008 et 2009 –, confirme : « Xavier est incroyablement adaptable. Il est capable d’arriver en dernière minute, de prendre les notes d’un autre et de te faire une spéciale propre. Il est toujours dans le bon tempo. Il est méticuleux, calme, diplomate et, croyez-moi, avec les pilotes, il faut savoir l’être », assure le Drômois.

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Adam Malysz (POL), Xavier Panseri (FRA) – Kin Marcin/Red Bull Content Pool

Sa première collaboration avec Xavier Panseri remonte à 2004, au Rallye Lyon-Charbonnières. Il est à la recherche d’un nouveau partenaire et il se dirige vers le Jurassien qui jouit déjà d’une petite réputation dans le milieu. « Ce n’était pas flamboyant au début, mais on s’est tout de suite bien entendus, se souvient-il. Xavier avait cette capacité à poser les choses. Il m’a apporté de la stabilité. » Pourtant, la première fois, le duo n’a pas réalisé la course parfaite : « On a fait une petite sortie de route et fini dans les vignes, se remémore l’homme de quarante-six ans. Après, on a vécu des moments très forts. On a aussi galéré parfois, quand les budgets manquaient. Mais Xavier n’a jamais flanché. »

En 2018, ce dernier doit donner un coup de main sur l’organisation de la Ronde du Jura juste après son retour du Dakar disputé en Amérique du Sud. Mais, à quelques heures du début du Rallye Monte-Carlo, Bryan Bouffier perd celui avec qui il forme un tandem, Jérôme Degout, sur blessure. Xavier Panseri, à peine débarqué sur le tarmac de l’aéroport de Genève, est appelé à l’aide. « On a envoyé quelqu’un pour aller le chercher. Il a sauté dans une combinaison qui traînait et on est parti faire la course ensemble. Il a passé un jour quasiment complet à recopier les notes de mon autre copilote et on a fait quand même une superbe course. On s’est régalé. » Les deux hommes prennent une belle huitième place d’une épreuve remportée par Sébastian Ogier – huit fois champion du monde de rallye – et par son coéquipier Julien Ingrassia. « C’est ça, Xavier. Toujours prêt. Toujours pro. Toujours calme. »

Jacky Lepeule, ancien copilote amateur et organisateur de la Ronde du Jura, le connaît depuis l’enfance. Ils ont grandi dans deux villages voisins et se sont retrouvés sur les rallyes. « C’est pratiquement mon frère. Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi fidèle. Il a refusé des contrats mieux payés pour honorer ses engagements avec ses pilotes », souligne-t-il. Il raconte aussi comment il venait l’aider à souder les voitures quand il n’était encore qu’un adolescent : « Il était déjà sérieux et appliqué », se remémore-t-il.

Camp de base en Pologne

Depuis 2008, Xavier Panseri vit à Varsovie. Ce n’était pas prévu, mais la Pologne, rencontrée par le biais de Peugeot Sport, a fini par le retenir. « J’étais censé rester quelques mois. Ça fait plus de seize ans », sourit-il. Là-bas, il a construit une nouvelle vie, fondé une famille, élevé deux enfants qui ne sont pas les siens mais qu’il considère comme tels. Il a aussi tenté l’entrepreneuriat, avant de renoncer. Le sport automobile ne laisse pas la place au repos : entre 180 et 250 jours par an sur les routes. Ce déracinement n’a jamais effacé l’empreinte jurassienne. Avec Jacky Lepeule, le lien est d’ailleurs constant. Il envoie ses liens de course par WhatsApp, débriefe les étapes, écoute les critiques amicales. « Moi, je suis dur avec lui quand il ne fait pas un bon résultat, glisse son ami. Mais c’est pour son bien. » Et Xavier Panseri aime ce lien rugueux, sincère, sans fioriture. Il sait d’où il vient, ce qu’il doit à ceux qui l’ont vu commencer. « J’ai toujours voulu vivre de ma passion, mais pas à n’importe quel prix. Le respect, l’humilité, la loyauté : ce sont des choses que j’ai apprises dans le Jura. »

En Pologne, il devient une figure du rallye local. Il gagne des titres. Il se fait un nom. Il collabore même avec Adam Małysz, immense star du saut à ski, reconverti pilote après sa retraite en 2011. Dans le pays, le sauteur est une légende vivante avec quatre titres mondiaux et quatre Gros globes de cristal. Chacune de ses apparitions est scrutée, chacun de ses résultats commentés. « On avait une couverture médiatique énorme, explique le copilote. Il y avait toujours des caméras, des interviews, des attentes folles. » Mais derrière l’icône nationale, le Jurassien découvre un homme humble, avide d’apprendre. « Il pensait qu’il allait gagner vite. Je lui ai dit : “mets un pilote de rallye sur un tremplin, on verra s’il vole”. » Intégrés à l’équipe Orlen X-Raid, ils courent ensemble le Dakar en 2016 (Argentine – Bolivie – Chili) à bord du Mini All4 Racing n° 325. Les pannes sont nombreuses, les nuits courtes. Adam Małysz encaisse, Panseri gère. Dans l’ombre, mais sur le devant des projecteurs, il garde son calme. « Ce n’était pas simple, mais humainement très fort. » Au final, c’est une anecdotique 53e place, mais une aventure humaine et médiatique unique.

Le Dakar, c’est une course que le Français connaît, il l’a déjà vécue, en 2015, avec Krzysztof Hołowczyc avec une troisième place au général. « C’est l’école de la constance. Ce ne sont pas les plus rapides qui gagnent, ce sont les plus malins. » Ce qu’il apprécie, c’est le format, la durée, l’humilité que cela impose. « Tu n’as pas le droit à l’erreur. Tu dois tout prévoir. Et t’adapter en permanence. » Depuis, il n’a manqué aucune édition, s’installant parmi les copilotes les plus constants et aguerris. En janvier 2024, l’équipage qu’il forme avec le jeune Belge Guillaume de Mévius décroche la 2e place, meilleur résultat français.

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Guillaume de Mévius (BEL), Xavier Panseri (FRA) – Tyrone Bradley/Red Bull Content Pool

Avec Fernando Alvarez, c’est en catégorie T3 (SSV) qu’il a navigué sur les rallyes de la coupe du monde. Il a encore travaillé avec Khalid Al Qassimi, Mohamed Abu Issa ou encore Bernhard ten Brinke (Toyota Gazoo Racing).

Chaque année, Xavier Panseri revient dans le Jura que sa compagne polonaise chérit. Pour sa famille. Pour ses amis. « Je n’y vis plus, mais je reste d’ici. Mon éthique, ma manière de travailler, mon rapport aux gens… tout vient de là. » L’homme se dit passionné par les sports nordiques : il ne loupe pas une course de biathlon et de ski de fond pendant toute la saison hivernale. Il a grandi sur la piste. Il participait aux courses UNSS, s’entraînait l’hiver en style classique. « J’avais un bon niveau régional, j’adorais ça. La solitude, l’effort, le froid. » Alors âgé de dix ans, il prend même le départ de sa première course longue distance (20 km), entre Vaux-et-Chantegrue et Pontarlier (25), bien que malade. Il pousse trop fort, trop vite. À l’arrivée, ses oreilles sont en sang : double otite perforée. Direction l’hôpital. « Le plus dur, ce n’était pas la douleur, c’était de m’être retrouvé derrière mon copain que je battais d’habitude. » Cette exigence de soi, il ne l’a jamais perdue. Le copilote est sans doute aussi né sur la neige du Jura.

Dans un sport qui n’a des yeux de Chimène que pour les pilotes, Xavier Panseri rappelle que rien ne se fait sans leur voisin d’habitacle, qu’il existe un art de la navigation. Un rôle essentiel et trop peu reconnu. Pour autant, il ne cherche pas les projecteurs. Il veut juste être prêt. Efficace. Adaptable. Et fidèle à ceux qui lui ont fait confiance. « J’ai la vie que je voulais. Une vie dans laquelle je me lève chaque matin avec envie. C’est déjà beaucoup. »

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