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François Vauglin, le maire du XIe arrondissement de Paris est Jurassien

[Portrait publié dans le Numéro 39 n°9 en juin 2024]

C’est sans doute le plus Parisien de tous les Jurassiens. François Vauglin, le petit Lédonien monté à la capitale à l’âge de vingt ans pour faire son école d’ingénieur, est aujourd’hui maire du XIe arrondissement. Depuis sa première élection en 2014, il a essuyé pas mal de tempêtes. Récit.

En janvier 2015, il est maire depuis huit mois quand survient l’attentat contre Charlie Hebdo, à deux pas de sa mairie. Dix mois plus tard, en novembre, c’est la tuerie du Bataclan et l’attaque simultanée de trois terrasses de bistrots, toujours dans sa circonscription. Il a connu aussi les meurtres antisémites de Sarah Halimi, en 2017, et Mireille Knoll, l’année suivante. En 2020, il doit faire face à la Covid-19 dans l’arrondissement le plus dense de Paris, avec les seuls moyens du bord. Sans cesse, François Vauglin doit improviser, s’adapter. On comprend mieux pourquoi ses retours dans le Jura ont des allures de vacances.

 

La loi du destin

Avec cette allure calme et posée qui le caractérise, cet homme n’en est pas moins une somme d’interrogations. D’ailleurs, sa sœur Isabelle, qui s’est beaucoup occupée de lui dans son enfance, ne manque pas de noter son « sacré caractère et sa détermination », en relevant tout autant sa discrétion et son énorme capacité de travail : « Je ne sais pas comment il fait pour travailler et être maire, mais je sais qu’il a conscience de la difficulté de sa tâche. Il se sent bien dans son rôle de maire d’un arrondissement qui mêle autant de communautés. »

Comment a-t-il pu franchir toutes les étapes en sortant de sa Franche-Comté natale ? Pour comprendre, il faut évoquer le destin. François Vauglin naît en 1969 à Lons-le-Saunier, ses parents tiennent la scierie rue Camille-Prost. Une institution issue de la branche paternelle implantée dans la ville préfecture. Évidemment, seul garçon et petit dernier de la famille, son avenir est tout tracé : il reprendra le flambeau, sauf que… il a onze ans quand son père décède. Sa mère – qui a toujours travaillé dans l’entreprise familiale – tente de poursuivre l’aventure, mais, malade, elle doit baisser les bras. La scierie disparaît.

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Francois-Vauglin-avec-Numero-39-dans-les-mains-Ewen-Neiertz_-Service-Communication-Mairie-du-XIe-arrondissement

Le petit François suit un parcours lédonien classique : école Jeanne-d’Arc, collège Saint-Exupéry, lycée Jean-Michel où il décroche son bac C (scientifique à l’époque). Il a ce qu’on appelle des aptitudes : « C’est un peu une marque de fabrique. Mon père était ingénieur et ma mère, qui faisait le secrétariat dans l’entreprise, voulait absolument qu’on fasse des études et qu’on soit fonctionnaires. Elle a été exhaussée : une de mes sœurs a fait carrière chez Framatome, une autre est astrophysicienne et présidente de l’association “Femmes et sciences”, la troisième est prof de lettres. »

Du coup, après ses années de « prépa » à Valence (Drôme), il file vers Paris dans une école d’ingénieur. Son diplôme en poche, sa thèse rédigée, il travaille dix ans à l’Institut National de l’Information Géographique (IGN), puis sept ans à la Ville de Paris, avant de retourner à l’IGN et de passer le concours des Ponts, d’enchaîner avec un job à EDF pour travailler aujourd’hui à la Défense : « Ce n’est pas un emploi fictif, j’ai appris à déléguer. Travailler, c’est une garantie d’indépendance. Trop d’élus ne font que ça et courent après les mandats. C’est trop facile d’être dans une sphère qui n’est pas celle des gens ! »

Mais le destin est toujours là. Au lycée, François Vauglin découvre son homosexualité : « À Lons, la vie d’un jeune homo est très dure, pas vraiment inclusive. » Toute sa vie personnelle et publique sera marquée par le combat LGBT.

 

Humanisme et politique

La première chose que fait le petit provincial introverti en arrivant dans la capitale, c’est de hanter les salles obscures : « J’ai rattrapé mon retard, j’allais cinq ou six fois au ciné par semaine et, à un moment, je me suis dit : il faut que tu sortes… » C’est le début de l’implication dans des associations d’entraide pour les jeunes LGBT. Nous sommes dans les années 1990, époque où les Gay Prides se multiplient et deviennent un fait politique : « Nous avons compris qu’on pouvait porter un projet de société qui englobe tout le monde. Le Pacs était le symbole de l’amour. J’ai toujours milité pour que le couple devienne la base de la reconnaissance de deux personnes qui s’aiment. » Le combat prend du temps, mais progresse. François Vauglin a un objectif très clair : inscrire la normalisation homosexuelle dans l’agenda politique : « Je peux dire que j’ai tenu la plume de la première proposition de loi du PS sur le mariage pour tous. »

L’homme a en effet choisi son camp. Après dix ans de croisade et une adhésion au PS en 1995, il devient, en 2001, secrétaire de la section du XIe arrondissement : « Mes parents étaient de droite, mais mon engagement m’a porté à gauche. À l’époque la droite ne laissait aucune place aux personnes homosexuelles. »

Depuis, ses talents d’organisateur ont porté leurs fruits : 345 adhérents à son arrivée, 1950 en 2008 – alors la plus grosse section de France –, et plus de 2000 sympathisants, dont on va voir qu’ils ont joué un rôle capital aux moments clefs.

Conseiller municipal en 2008, il est élu maire en 2014 et réélu en 2020 avec plus de 66 % des voix. Pour autant, le socialiste qu’il est ne mâche pas ses mots envers sa famille, même s’il n’est pas dénué d’humour : « Le PS est devenu l’ombre de lui-même, je ne me sens pas toujours très bien représenté par sa parole. Je suis toujours socialiste, mais pas sûr que le PS le soit encore ! »

 

Les coups du sort

On l’a vu, le destin n’est jamais très loin de François Vauglin. Quand survient l’attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, il est pris de court : « On n’est jamais préparé à ces choses-là, mais j’ai pris conscience que, dans ces moments, il était important de dire quelles sont nos valeurs, ce qui nous rassemble et ce qui nous motive. Dans les jours qui ont suivi, le temps semblait différent. J’étais 24 heures sur 24 à la mairie, il fallait tout coordonner, aller à la rencontre des gens, leur donner des lieux pour s’exprimer, pour échanger. Tout le personnel était sur le pont. Les adhérents du PS et tous les sympathisants ont aidé pour aller au-devant des gens. »

Quand survient la tuerie du Bataclan, l’effroi est pire encore. Des dizaines de morts, du sang partout, la cohue, l’enfer des sirènes qui hurlent, les médias omniprésents : « Nous n’avons pas pu partager avec les habitants les mêmes moments de recueillement que pour Charlie Hebdo, parce que le couvre-feu avait été instauré. Mais, là encore, nous avons tout fait pour que les gens puissent sentir un peu de réconfort, de chaleur, pour qu’ils puissent croire en une vie normale. »

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2T72PPW French Prime Minister Elisabeth Borne, Mayor of Paris Anne Hidalgo, Mayor of Paris’ 11th arrondissement Francois Vauglin, Mayor of Paris’ 10th arrondissement Alexandra Cordebard, President of the French National Assembly Yael Braun-Pivet and First Deputy Mayor of Paris Emmanuel Gregoire in Paris, France on November 13, 2023, as they pay their respects at the various attack sites to mark the eighth anniversary of the Paris attacks of November 13, 2015, in which 130 civilians were killed. Photo by Stephane Lemouton/Pool/ABACAPRESS.COM

En 2020, nouveau coup du sort avec le coronavirus. En pleine campagne électorale, tout est suspendu, mais il faut faire face, trouver des masques : « Nous avons fait appel à notre communauté chinoise pour en récupérer. Nous déposions les cartons dans une grande salle et les agents de la mairie sillonnaient tout le XIe arrondissement avec un Kangoo pour les distribuer. » Le maire tient à jour un grand tableau quotidien où sont inscrits tous les dons ; il sollicite les lycées professionnels du secteur pour coudre et fabriquer des masques, distribue des gels sur les marchés. Du coup, il attrape la Covid le surlendemain et reste dix-sept jours au lit. « Les élus sont des boîtes à idées. On imagine le pouvoir politique comme une administration, mais ça ne marche pas comme ça. Chaque territoire a des forces, notre rôle est de les mettre en valeur, en faire quelque chose. »

Vauglin des villes et Vauglin des champs

L’homme qui gère le quotidien de 145 000 personnes est un équilibriste. Marie-Pierre de la Gontrie, sénatrice de Paris, avec laquelle il a travaillé sept ans lorsqu’elle était adjointe de Bertrand Delanoé, l’appelle même son petit frère : « C’est quelqu’un de très stable sur ses valeurs, il est fiable et je dirais qu’il est sain, tout en retenue. Il pourrait avoir de l’ambition politique, mais je ne pense pas que ce soit le centre de sa vie ! »

Sa vie, le mot est lâché : Lons et le XIe ; Paris et le Jura ; le calme et le stress ; la ville et la ruralité. Deux bouts de la même corde. L’homme est aujourd’hui un vrai Parisien, maire d’un arrondissement complexe, à la fois populaire et bobo, cosmopolite, dense, véritable carrefour de l’histoire parisienne [lire par ailleurs], où la colère s’exprime en longs cortèges, de Bastille à Nation. Ce particularisme, qui fait dire au maire que « le XIe est volontiers mouvementiste et même révolutionnaire », rend François Vauglin prudent face aux aléas de l’histoire. Il prépare donc avec le plus grand soin le formidable afflux populaire que vont représenter les JO cet été dans la capitale. Même si les épreuves et les événements ne concernent pas directement son secteur, il y aura tellement de monde !

Mais quand sera tombé le rideau olympique, il pourra enfin prendre le large, quitter cette cocotte-minute bouillante et grouillante, où les gens vivent les uns sur les autres pour retrouver la sérénité du plateau chaumerand : « Ici, les logements sont hors de prix, il n’y a pas d’espaces verts, les gens ont besoin d’air. La moitié des foyers est composée d’une seule personne et 30 % de deux. Ils partent pour aller vers des zones rurales. Aujourd’hui la ruralité est attractive, c’est un moteur économique, il suffit de regarder dans le métro les pubs pour toutes ces régions. Je n’arrive pas à la voir comme une faiblesse. » Ce sera alors les retrouvailles. François Vauglin fera comme chaque fois : il prendra le TGV, descendra à Dole, louera une voiture et fera un détour par Arbois pour les chocolats Hirsinger et les vins Rollet, avant de retrouver la maison familiale où il pourra savourer le retour aux sources : « Mon grand-père était de Longchaumois. II avait des fermes en métayage et une partie de ma famille y vit encore. Chaque été, je retrouve tout le monde : sœurs, oncles, tantes, cousins et cousines. Cela me fait un bien fou. Longchaumois, ce sont mes vacances, je me retrouve au calme. Pas de bruit et surtout, pas de réseau dans la maison. Quel confort d’être déconnecté ! »

 

Photo : Ewen Neiertz – Service Communication Mairie du XIe arrondissement

 

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