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Emmanuelle Chossat : « en devenant miss, j’ai tenu la promesse faite à mon amie disparue »

[Portrait publié dans le Numéro 39 n°7 en juin 2022]

La petite Jurassienne de Saint-Amour a réalisé ses rêves. Miss Jura, Miss Franche-Comté, Miss World France, Miss Universe France. Mannequinat, concours, télévision, voyages, robes à paillettes, papier glacé des magazines… Emmanuelle Chossat a tout eu avant d’abandonner un monde qui ne lui convenait plus pour un petit village de bord de mer, quelque part vers Perpignan.

Son pedigree ferait pâlir de jalousie les starlettes les plus ambitieuses et son carnet d’adresses est épais comme Le Larousse. Tout destinait Emmanuelle Chossat à durer dans l’univers impitoyable de la beauté, mais c’est une autre vie qu’elle s’est choisie. La voilà aujourd’hui assistante de direction dans une entreprise de catamarans du sud-ouest de la France. Loin du stress parisien, elle a choisi l’air marin.

Retour en arrière. Les défilés, elle est tombée dedans quand elle avait sept ans. Nous sommes dans les années quatre-vingt, le papa de sa meilleure amie habite Coligny (Ain), à deux pas de Saint-Amour, et il organise des événements. C’est à l’âge de sept ans qu’elle découvre la célébrissime Madame de Fontenay, accompagnée de sa miss de l’année, toutes deux venues faire la promotion d’une fête locale : « On se déguisait en Bressanes, c’était à celle qui avait la plus belle robe et on accompagnait Miss France. On dormait dans la même maison qu’elle. De quoi donner envie ! Mais je ne savais pas encore comment mon physique allait évoluer. Il faut être grande dans ce milieu. Or, ce n’est pas forcément un bon critère ; les plus belles femmes ne sont pas grandes ! »

Mais l’idée est bien là et les deux fillettes se font une promesse : l’une deviendra Miss Pays de l’Ain, l’autre Miss Jura. C’est dans cette amitié très forte qu’il faut chercher la détermination d’Emmanuelle Chossat : « Je voulais plus qu’être une miss régionale, je rêvais de dépasser les frontières, d’exporter le patrimoine et l’élégance française. Mon ambition était égale aux Jeux olympiques. Miss Monde et Miss univers étaient dans un coin de ma tête. »

Sans vraiment le savoir, son enfance la prépare à l’échéance, elle pratique la GRS et la gymnastique, prend de l’assurance en public, se montre en justaucorps sans la moindre difficulté dès l’âge de six ans : « Les compétitions désinhibent rapidement, je n’avais pas trop de complexes. » Autre élément déterminant, son père et sa mère, fleuristes à Salins-les-Bains, sont bienveillants, mais accaparés par leur travail. Du coup, la jeune fille apprend à se débrouiller : « À partir de sept ans, je restais souvent toute seule en attendant le retour de mes parents, même si j’essayais de passer le plus de temps possible dans le magasin pour les aider et être près d’eux. Mes vacances, c’était chez ma meilleure amie ou chez mes grands-parents, ex-agriculteurs en Bresse. L’éducation tournait autour des valeurs du travail et du respect. Fille unique, mais pas gâtée pour autant, je n’ai jamais eu de Nike ! À la maison, on a appris à galérer, à compter, et même plus que cela… » La petite Emmanuelle n’est pas une gosse apprêtée, plutôt sportive, cool. Pas féminine non plus. Thibaut, son ami d’enfance, le confirme : « Nous étions voisins de commerce, c’était un peu ma deuxième frangine. Elle était plutôt la petite fille modèle, un peu stricte. Elle avait des jeux de filles… Sa carrière de Miss m’a un peu surpris. »

LES DEBUTS A CHAMPAGNOLE

Emmanuelle Chossat est née à Bourg-en-Bresse, toute sa famille est bressane, mais son enfance est jurassienne. Avant sa naissance, ses parents ouvrent un magasin de fleurs dans le Sud-Revermont. C’est là qu’elle vit jusqu’au jour où ils décident de reprendre un fonds de commerce plus important dans la cité du sel, en 1990. Elle débarque alors dans ce qui lui apparaît être une ville, presque grande : « J’avais dix ans, ce fut une déchirure. Je laissais derrière moi tous mes amis pour aller dans une ville “de montagne”. J’ai quitté mon club de GRS qui, pour moi, représentait mon avenir, mes cours de flûte traversière. Heureusement, je me suis intégrée très vite, j’ai toujours su m’entourer. »

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Savoir mettre en valeur le corps, mais aussi l’élégance et une forme d’art de vivre à la française – Steef Saint E._Collection personnelle

Mais alors qu’elle a quatorze ans, l’amie d’enfance décède tragiquement. Un événement dont elle aura du mal à se remettre et qui marquera toute sa vie : « Quand on se retrouvait pour les vacances et les week-ends, j’étais non-stop avec elle, nous étions au-delà de la fusion. Sa disparition a été insurmontable pour moi. C’est pour elle, pour la promesse qu’on s’était faite, que je me suis battue, que j’ai voulu aller toujours plus haut. » Les choses se mettent doucement en place. Après le collège climatique de Salins-les-Bains, elle intègre le lycée Jeanne-d’Arc à Champagnole et fait chaque jour les trajets en bus. Elle choisit l’option communication : « Je n’aimais que les langues, l’histoire et la géo. Je voulais être journaliste, écrire. »

Champagnole, c’est le début de son parcours de miss. D’abord, son premier défilé organisé par les BTS de son établissement scolaire, quelques apparitions dans des shows régionaux, mais surtout l’épisode Graine de Star, l’émission de M6 : « L’équipe de Laurent Boyer est venue me chercher pour passer des castings à Dijon. Ensuite, j’ai participé à la finale Graine de Top à Paris. C’est là que le mannequinat a vraiment commencé pour moi. » Pourtant, les premiers pas se font dans la douleur, la jeune Emmanuelle doit faire face aux moqueries des filles de son lycée, puis carrément au harcèlement : « J’en ai pris plein la figure. On rigolait lorsque je marchais dans les couloirs. J’ai passé des récrés, enfermée toute seule dans une classe, et quand j’étais en première ou terminale, des filles m’insultaient tous les jours dans le bus. Elles cherchaient la bagarre. »

Mais la première vraie expérience, elle l’a faite à dix-huit ans. Nous sommes en 1998. Elle veut se présenter à l‘élection de Miss Franche-Comté, organisée par la société Miss France de Geneviève de Fontenay, aujourd’hui Endemol. Ses parents la soutiennent. Elle est qualifiée directement pour la finale régionale Miss Franche-Comté, à Morvillars, dans le Territoire de Belfort. C’est alors qu’elle part tout l’été comme fille au pair en Louisiane, dans une famille sud-américaine, dont la fille du même âge prépare l’élection de Miss Slidell : « Je me suis préparée physiquement avec elle, j’ai appris l’anglais et l’espagnol » À son retour, la Française fait une crise d’acné qu’elle dissimule comme elle le peut le jour du défilé. Elle ne gagne pas, mais comprend comment fonctionne ce business : « Je pensais bien être au moins dauphine par rapport à la réaction de la salle, mais les réalités d’un concours sont autres. Tout était fait d’avance. J’étais déçue, mon rêve se brisait ! », dénonce-t-elle.

En réalité, l’aventure ne fait que commencer puisqu’elle est contactée par le délégué régional du Comité Miss France, structure concurrente d’Endemol, qui lui propose de participer à l’élection de Miss Jura. Elle change donc d’écurie et remporte le titre à Dole, en 1999, et enchaîne, en 2000, avec la couronne de Miss Franche-Comté.

À partir de là, elle est payée pour ses prestations du week-end, devient professionnelle et voyage à travers toute l’Europe. Un vrai job, avec fatigue, stress, mais aussi des rencontres exceptionnelles.

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Les titres les plus prestigieux l’ont amenée à parcourir le monde – Collection personnelle

Elle est ensuite sélectionnée pour le concours de Miss World France qu’elle décroche en 2001. Cette fois, la porte est ouverte pour une participation à Miss Monde, qui doit se tenir en Afrique du Sud. En 2003, elle accède au plus prestigieux des concours, Miss Univers, au Panama, habillée par Bruno Rivière, un ancien de chez Yves Saint Laurent : « C’est un parcours international, il faut avoir une bonne culture. J’ai arrêté mes études de communication à Paris et j’ai voyagé partout, rencontré ministres, ambassadeurs. J’ai mangé à la table de Nelson Mandela, avec le président du Burkina Fasso, la présidente du Panama, j’ai découvert le Liban, la Polynésie, la Réunion, j’ai pu toucher à l’humanitaire en Éthiopie… Miss France, c’est être ambassadrice de vraies causes avec de vraies convictions. Le monde devient notre maison. Être Miss France fait grandir. »

LE RETOUR SUR TERRE

Cette vie dorée sur tranche dure presque dix ans, le temps de toucher à tout : mannequinat, mode, télévision, figuration dans les films, articles dans les magazines, shootings… Et puis, un jour, le fil se rompt. Emmanuelle n’a plus envie : «  À un moment, il faut transmettre et c’est beau aussi. La passation de l’écharpe est une vraie valeur et moi, j’ai eu la chance d’avoir été Miss France et d’avoir participé aux concours les plus prestigieux. On n’est pas nombreuses en France ou dans le monde à avoir pu le faire. Sauf qu’au fil des jours, on a envie de passer à autre chose. Je voulais des enfants et être disponible pour eux. J’ai dit : c’est fini ! »

Emmanuelle Chossat veut être reconnue pour ses capacités intellectuelles, pas seulement pour sa plastique. Ce physique qui n’est pas toujours un atout ; le moindre contrat est souvent ambigu, les sollicitations incessantes : « Pour faire de la figuration, on nous invite à manger et après, à aller dans le bureau signer le contrat… Je n’ai jamais été naïve, j’étais toujours accompagnée. Combien de fois j’ai eu des propositions ! Dans la préparation de Miss, on nous met en garde, mais pas tant que cela. Il faut savoir se protéger seule. » Elle refuse un travail à Los Angeles pour tenter sa chance à Paris comme journaliste à la télévision, fait quelques émissions… Là encore, elle se retrouve face à des pratiques qui ne lui correspondent pas.

Dégoûtée, déçue, elle décide de changer de cap. À vingt-cinq ans, elle crée sa propre agence de mannequins qu’elle gère pendant cinq ans. Mariée, maman d’une petite fille, elle abandonne tout pour s’occuper finalement des relations publiques de la ville de Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis : « Chaque matin, j’avais mon comité d’accueil, j’ai été menacée, braquée, mais ce sont mes meilleures années. Ce fut un vrai choix d’aller sur le terrain, de briser l’artifice et d’être dans la réalité… »

En plein divorce, elle décide de vendre sa maison avec Maisons à vendre qu’anime avec brio Stéphane Plaza et met le cap au sud. Direction Perpignan où elle décroche un poste d’assistante de direction dans une entreprise de gestion de catamarans. Catherine, l’amie rencontrée dans une salle de sport, n’a pas connu son passé sous les sunlights : « Sa vie de famille passe avant tout, elle est tout à fait humble sur son passé de miss, elle n’en joue pas. Moi, ce que j’aime en elle, c’est son honnêteté, sa franchise… Et son caractère entier, c’est une belle personne. » Aujourd’hui, maman pour la seconde fois, elle savoure sa nouvelle vie : « Miss, c’est derrière moi, définitivement. J’ai réalisé mes rêves. Maintenant je dois m’en créer d’autres. Je suis bien, je suis dans mon élément, avec la mer, les bateaux… Mais les forêts, les animaux, la nature me manquent régulièrement. Mon cœur reste jurassien. »

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