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Alexandre Pasteur, la voix du Tour de France

Pour la troisième année, le Franc-comtois commentera la Grande Boucle sur les antennes de France Télévisions. Portrait d’un journaliste dont l’histoire familiale débute à Sirod, près de Champagnole.

 

Il n’a pas connu la rue Cognac-Jay, ni l’avenue Montaigne. Quand Alexandre Pasteur a débarqué à France Télévisions, le service public avait déjà pris possession de l’Esplanade Henri de France, sur les quais de Seine, à Paris. De même, le service des sports n’avait pas encore intégré l’open space qu’il occupe aujourd’hui. Ce 3 avril 2017, le Franc-Comtois, natif de Pontarlier, mais dont la famille côté paternel a marqué l’histoire de Sirod, près de Champagnole, découvrait son bureau. Jusqu’alors, c’était celui de Gérard Holz, vedette du petit écran, parti en retraite. Nelson Monfort avec qui il allait partager ce petit espace était absent. Mais, élégant et attentionné, il avait laissé un mot, en anglais cela va sans dire : « Welcome mon ami ».

C’est ainsi que la voix du cyclisme de France 2 et France 3 a changé de vie.

Enfant, il regardait la Grande Boucle dans la maison familiale des bords de l’Ain, avec son père et son frère aîné à ses côtés. Il devait bien traîner quelques cousins et des oncles goûtant la fraîcheur de la bâtisse. Et aussi quelques femmes, comme le souligne Jacqueline Pasteur, sa maman : « Le Tour de France, ce n’est pas l’apanage des gens qui aiment le vélo. »

Le journaliste se rappelle plus particulièrement de l’été 1977, de la seconde victoire du Bourguignon Bernard Thévenet, maillot à damiers siglé Peugeot sur le dos, du jeune Allemand Dietrich Thurau, coureur de l’équipe néerlandaise Ti-Raleigh, qui lui avait cherché des poux dans la tête. Cette année-là, Eddy Merckx, lui, n’avait plus les jambes.

Le petit garçon ne pouvait pas imaginer qu’un jour, pour raconter cette épopée plus que centenaire, il allait succéder à Léon Zitrone, Jean-Michel Leulliot et Pierre Salviac.

Les journées chez Tante Suzy, Alexandre Pasteur en garde un souvenir ému. « On y passait les vacances », débute-t-il. La rivière était son terrain de jeu, la même qui avait fait la fortune de son arrière-grand-père, Jules. Après la guerre avec l’Allemagne, il avait nourri ses scieries avec le bois de la Forêt noire. À Sirod, les Pasteur faisaient alors vivre de nombreux foyers. Des notables.

Petit-fils d’Émile, fils d’Yves

L’histoire a pris fin en 1976, quand la société transférée dans la capitale du Haut-Doubs dans les années soixante a fermé ses portes. C’est le grand-père Émile, brancardier à Lourdes et fervent chrétien, qui était alors aux commandes.

Émile Pasteur reste une figure du massif jurassien. Il y a peu, Pontarlier a donné son nom à une halle qui abrite notamment le marché. Son petit-fils a assisté à la cérémonie. « J’ai mesuré la trace qu’il a laissée, constate-t-il. On m’a parlé de lui alors même qu’il est décédé en 1977 ».

L’aïeul a créé l’office municipal des sports, il a présidé le CA Pontarlier Football et le Club des skieurs randonneurs pontissaliens qui compte, aujourd’hui encore, des athlètes de haut niveau. Il aurait organisé le premier stage de l’équipe de France de biathlon.

L’homme était aussi arbitre international de saut à ski. Il a officié lors des Jeux olympiques de Grenoble. Olivier Pasteur, le frère d’Alexandre, conserve chez lui un diplôme qui en atteste.

« Mon père a repris le flambeau », enchaîne le journaliste. Dans le ski jurassien, « il a été très influent », insiste le président actuel du comité régional, Gilbert Carrez. Aussi en tant que bénévole.

Yves Pasteur a créé une enseigne de bricolage qui supporta de nombreuses années le Challenge Franche-Comté Bricolage (aujourd’hui connu sous le nom Challenge nocturne des Monts de Joux). Aux commentaires, l’emblématique Gérard Nohl pour qui les Parisiens étaient des « grillons des talus ». « Si je suis devenu speaker aujourd’hui, c’est un peu grâce à lui », concède le journaliste. « J’adorais le ski de fond », ajoute-t-il. Ses idoles s’appelaient – notamment – Guy Balland, Christian Dumont, Stéphane Bouthiaux ou encore le Suisse Daniel Sandoz.

Les années Eurosport

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Une autre voix a compté pour lui, celle de Boris Acquadro, journaliste sportif suisse. Il était le spécialiste de la TSR. Quand le Jurassien Hervé Balland est devenu, en 1993, vice-champion du monde du 50 km à Falun, il était à l’antenne. « On avait l’impression qu’il était à ses côtés », se rappelle Alexandre Pasteur. Un modèle qu’il a eu la chance de rencontrer avant son décès en 2005 : « Je n’ai pas été déçu. Mon idole de jeunesse. Un seigneur ».

Le dimanche de La Transjurassienne, le jeune homme se levait à cinq heures du matin pour suivre « aux premières loges » la course de ski de fond. Avec Olivier, à bord de la 104 Peugeot, il reliait Lamoura à Mouthe. En 1991, lorsqu’Hervé Balland – encore lui – est devenu le premier Français à gagner la mythique course, les deux frères l’informaient des écarts avec ses poursuivants. « Il nous répondait », s’étonne-t-il encore.

« Je savais déjà que je voulais être journaliste sportif », se souvient Alexandre Pasteur. Dès l’âge de neuf ans, il a lu L’Équipe qu’il allait acheter avec son vélo. « Il rédigeait de petites fiches », rapporte sa maman. Elle se souvient aussi que, lors des Jeux olympiques d’hiver de 1984, il a préféré regarder les compétitions à la télévision plutôt que de profiter des pistes de Val d’Isère où il passait ses vacances en famille.

Bac à Pontarlier, faculté d’histoire — « une maîtrise pas terminée » – puis l’IPJ [Institut pratique du journalisme] à Paris : il déroule son parcours scolaire en dilettante. Heureusement, sa mère qui ne travaille pas veillait au grain : « Je croyais plus à mes enfants qu’eux », sourit-elle.

La promenade prit fin au décès d’Yves Pasteur à l’âge de cinquante ans. La gravité allait subitement s’inviter dans la vie du cadet, dont l’obsession allait dès lors être de réussir dans la vie. « J’ai voulu faire quelque chose dont mon père aurait été fier, explique-t-il. Il avait confiance en moi, je ne pouvais pas le décevoir. » Dans la famille, le goût des autres est une règle de vie. Il se transmet. Il circule dans les veines. Là, c’est un grand-père qui convie à sa table des conscrits du camp militaire de Valdahon le jour de Noël parce qu’ils ne peuvent rentrer chez eux ; ici, c’est papa qui invite toute l’équipe de football après une belle victoire dominicale. « J’ai besoin de m’imprégner de leurs personnes », susurre le quadragénaire.

Sa vie professionnelle débuta par des CDD dans la presse écrite au Courrier Picard, à Midi Libre puis l’Union de Reims. Le Franc-comtois ambitionnait de rentrer au pays pour noircir les colonnes de L’Est Républicain des exploits des sportifs. « L’Équipe semblait trop grand pour moi et je ne pensais pas à la télévision ». Sauf qu’en octobre 1995, l’un de ses camarades de l’IPJ, Philippe Groussard, qui collaborait à Eurosport, l’informa que la chaîne sportive recherchait un commentateur pour le ski alpin. Casting avec Bruno Poulain, directeur des programmes, sur les images des deux premières victoires de Luc Alphand en coupe du monde sur la célèbre piste de la Streif à Kitzbühel. « J’ai récupéré les images à la Fédération française de ski, mais comme elles étaient sur des cassettes U-matic, j’ai demandé à Télé Saugeais de les transcoder. Pendant trois semaines, je les ai visionnées », raconte le candidat qui allait se découvrir à l’aise dans l’exercice. Il obtenait le poste.

Eurosport allait devenir sa maison. Un « chez lui » où ses activités allaient grossir. En 1997, il succédait à Denis Brogniart pour l’athlétisme – « jusqu’en 2015, j’ai fait toutes les grandes compétitions avec Stéphane Caristan [ancien coureur de haies], sauf Rio » – et, en 2010, à Patrick Chassé pour le cyclisme, sauf pour le Giro et la Vuelta.

Dans le fauteuil de Chapatte

Jusqu’au jour où, à l’automne 2016, il reçut un SMS de Laurent-Eric Le Lay, le nouveau patron du service des sports de France Télévisions. « J’étais dans le confort, je n’avais aucune raison de changer », reconnaît le journaliste qui hésite un temps. « Alex n’est pas un homme à avoir un plan de carrière », explique Stéphane Dalloz, son ami. Sauf qu’un nouvel actionnaire, Discovery, venait de s’emparer de la chaîne sportive qui l’employait. Et puis, au fond, Alexandre Pasteur était bien tenté par un « nouveau challenge ». Mi-janvier, il signait sa lettre d’engagement. L’information devait demeurer confidentielle, mais elle paraissait dans L’Équipe. Son journal de cœur. La machine médiatique était lancée. Le Jurassien – qui vit à Paris et Grenoble – comprenait subitement qu’il allait jouer en première division. Et devoir revêtir une carapace face aux coups portés par les réseaux sociaux. Bref, il découvrait le vedettariat. « On me parle davantage de lui. Il a acquis une vraie notoriété », constate sa maman.

Mais l’intéressé semble hermétique à tant d’attention trop souvent fabriquée. « C’est quelqu’un de très gentil, décrit Laurent Jalabert, ancien coureur professionnel, numéro un mondial de sa discipline de 1995 à 1997 puis en 1999. C’est un grand professionnel, très à l’aise dans son rôle. Il a une culture cycliste supérieure à la mienne. On sent qu’il a des années d’expérience ». « On se complète », résume le présentateur du Tour de France qui associe à cette alchimie Marion Rousse et l’érudit Franck Ferrand.

De même, la nouvelle recrue n’a en rien changé sa méthode de travail. « Dans la voiture qui nous emmène d’une ville-étape à une autre, il lit beaucoup, la presse étrangère notamment », décrit Stéphane Dalloz qui lui sert – entre autres – de chauffeur pendant trois semaines. « Et il retient tout, il a une mémoire phénoménale », ajoute-t-il. De quoi lui permettre d’apparaître à l’aise au micro.

À partir du 6 juillet, il s’assiéra de nouveau dans le fauteuil qu’ont occupé avant lui – outre ceux déjà cités – Robert Chapatte, Patrick Chêne… Des noms prestigieux qui l’obligent, mais qui, en rien, n’ont changé le Pontissalien dont serait assurément très fiers ses père et grand-père. « Je garde la tête froide, je ne me prends pas pour un autre », assure, tout en humilité, le journaliste trop heureux de s’appuyer sur ses racines. 

 

 

Photo : Eric Vernazobres/FTV, Nathalie Guyon/FTV

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